Historique du camp international de vendanges

1950-1992 par Monique MARCELLIN (directrice de la MJC de 1984 à 2002)


Dés 1950 de jeunes étrangers, de passage à Lézignan, ou en séjour, demandent à participer aux travaux des vendanges. Devant cette demande, la M.J.C. très ouverte aux relations internationales, se mettent en rapport avec des propriétaires, et c'est ainsi que jusqu'en 1992, l'activité ne cessera de s'accroitre .
En consultant la mémoire de la M.J.C. constituée par les articles de journaux de l'époque (Midi Libre 8 Octobre 1956) on peut lire : "  Pendant les derniers jours de Septembre, la sonnerie aigrelette du téléphone, n'a cessé à intervalles rapides d'interrompre la conversation dans le bureau directorial : Allô ,la M.J.C. c'est pour les vendangeurs !… Dix fois, vingt fois par jour la conversation s'est renouvelée ; les propriétaires pressés par le temps insistaient, suppliaient même parfois. Le besoin de la main d'œuvre était pressant " mais le souci des organisateurs était de ne pas concurrencer la main d'œuvre locale ; il n'en était rien, car la main d'œuvre extra-régionale ne se déplaçait plus guère. Autrefois, on descendait des montagnes, pour venir vendanger dans la plaine. Ensuite, les vendanges ont été tardives, et les adolescents reprenaient très tôt le chemin des écoles. Il s'est donc posé un problème aux propriétaires qui ont été souvent pris par le temps , et on comprend , que l'aide apportée par les étrangers était trés souvent ardemment souhaitée… " " il ne faudrait pas croire, à voir ces visages barbus et ces tenues parfois un peu négligées que ces jeunes sont  des bohèmes, qui vivent au hasard des saisons, par ci ,par là. ;on se tromperait lourdement. La plupart sont des étudiants qui travaillent pour voyager . Ils parlent très souvent plusieurs langues …. et sont très souvent érudits… " cette année , me disait un autochtone ,nous avons une jeunesse bien, mais ils travaillent aussi ;Et puis, c'est le meilleur moyen de se comprendre , et il est si intéressant de parler avec eux " Ainsi la M.J.C. a atteint trois buts : aider les viticulteurs de la région dans leurs travaux, favoriser des contacts humains très profitables , et permettre à de jeunes étrangers de connaître notre pays. Ces trois buts ont été toujours atteints , tout au cours de l'existence de notre Camp. Dans ces années là, la M.J.C. recevait une équipe de la radio-Diffusion Française qui venait interviewer les organisateurs, sur cette originale organisation.. les lézignanais ont donc pu écouter sur les ondes l'émission.

De quelques dizaines de jeunes, au départ, on passe vite en 1957 à 260 jeunes étrangers . A ce moment là, les directives ministérielles , concernant la législation du travail des étrangers étaient plus souples qu'à l'heure actuelle.
D'année en année, cette activité devient institutionnelle, et est régie par des règlements intérieurs soumis aux jeunes vendangeurs ainsi qu'aux propriétaires.
Dans la brochure éditée à l'attention des jeunes, le 1er article définissait l'esprit du camp :
"  A l'occasion des travaux saisonniers des Vendanges (cueillette des raisins pour la fabrication du vin), la Maison des Jeunes et de la Culture organise l'accueil des jeunes étrangers et Français et les met en contact avec les viticulteurs. Il s'agit là de véritables rencontres internationales qui permettent à ces jeunes de connaître les conditions de vie locale tout en participant à ces travaux de vendanges. Les jeunes sont hébergés chez le viticulteur. "
 

Ainsi la Maison des Jeunes et de la Culture, tout au long de ces quarante deux ans a vu des milliers et des milliers de jeunes fouler la terre occitane, s'imprégner de notre culture, et participer activement à l'économie du pays , essentiellement viticole. On peut répertorier plus de vingt mille jeunes , venus de tous horizons, et des quatre coins du monde. Toutes les nationalités ont défilé, dans notre petite agglomération, et peu de villes peuvent s'enorgueillir d'avoir été la plaque tournante des quatre continents. Les premiers participants ont vieilli, et certains reviennent en famille voir ce lieu où ils ont tant appris, tant sur l'humain, que sur le terroir. Certains ont entretenu d'excellentes relations avec les propriétaires. Certes, en ces temps là , la tâche était très difficile, car de nombreux problèmes surgissaient…. Le manque de sérieux de certains jeunes, l'exploitation de l'homme, par le propriétaire (dignité humaine un peu bafouée)…. mais que de satisfactions, quel enrichissement de voir évoluer tant de jeunes avec leurs différences , de les voir vivre ensemble, de pouvoir communiquer , et de pouvoir les aider. L'expérience vécue par tous ceux qui ont œuvré est unique.
Les balbutiements des premières années où les jeunes arrivaient ponctuellement, au gré de leurs envies, ont permis d'établir un règlement très strict. Ainsi, le jeune intéressé demandait dans l'année les renseignements, et procédait ensuite à l'inscription moyennant un droit d'inscription qui a évolué au cours des années, et qui constituait pour la M.J.C. un apport financier intéressant. De même, le propriétaire informait la M.J.C. de ses besoins, en coupeurs et porteurs .

Dans les premières années, le propriétaire n'avait pas compris, que le nombre des demandes de travail déterminait le nombre de jeunes à convoquer. Une certaine fantaisie qui consistait à annuler au dernier moment la main d'œuvre retenue plaçait les organisateurs en difficulté, car en surnombre, il était difficile de trouver du travail aux jeunes inscrits. Petit à petit, au fil des ans, rares étaient les propriétaires qui se désistaient au dernier moment. La M.J.C. a toujours été soucieuse du placement des jeunes ; en effet, n'étant pas un bureau de main d'œuvre se désintéressant du suivi, elle avait un contrat moral envers ces jeunes, leur assurant les meilleures conditions d'hébergement chez le propriétaire. Ainsi, une commission s'était constituée qui avait pour but, dés la fin du mois d'Août , de visiter tous les hébergements , car encore certains propriétaires ne fournissaient qu'une paillasse en guise de lit ; et il s'est avéré que cette même commission ait eu à enlever une équipe dont les conditions d'hébergement n'étaient pas respectées. De même, certains jeunes ne satisfaisaient pas le propriétaire, là encore la M.J.C. intervenait pour le remplacement. Dans tous les cas de figure, la M.J.. devait régler tous les problèmes inhérents à ce placement. Que de problèmes en tant d'années ! ! ! !
Le recrutement des jeunes étrangers s'effectuait soit, à travers d'organisations internationales, comme l'Association anglaise d'OXFORD "  Vacation Work International Club " ou l'association Irlandaise " USIT ", l'Association des Etudiants polonais de Varsovie, et une année une association russe de Moscou. Nous avons également accueilli, pendant de nombreuses années, des groupes hongrois ; outre les groupes, les particuliers fréquentaient notre camp ; ils en connaissaient l'existence par des camarades, qui étaient tout simplement venus. Et à une certaine période, l'adresse du Camp se monnayait , puisqu'en 1992, plus de trois cent polonais, munis de notre adresse, se présentaient à Lézignan, provoquant ainsi un disfonctionnement , qui a entrainé l'arrêt total de l'activité .( cet épisode sera évoqué en fin d'historique)
 

Mais revenons sur ce que fut cette organisation, unique en France, qui permettait à des jeunes étudiants de trouver un travail saisonnier, et qui permettait aux viticulteurs d'avoir un main d'œuvre sûre.
Parmi tous ces jeunes, certains ont marqué l'histoire, par leurs originalités et leurs manières d'être.
Said Batur a quitté sa Turquie natale en 1955 ; il était photographe dans son pays, mais un jour, pris par le démon de l'aventure, il a tout plaqué. Avec son appareil photo, ses cartons de dessinateur, sa tente, il a enfourché son vélo, et hop ! en route vers l'aventure, de pays en pays, de ville en ville. Au hasard des rencontres et des nécessités, il a fait les métiers les plus divers. Traducteur, serviteur, accompagnateur pour touristes, agriculteur, cartographe, dessinateur, photographe, et même, tenez-vous bien clown dans un cirque allemand à la Foire Internationale de Salonique.. Mais , l'aventure et Quelle aventure l'attendait à AGADIR ! ! !Ce soir là, la bonne étoile a souri à SAID, car autrement il ne serait plus de ce monde. Dans l'Auberge de jeunesse en construction, il n'y avait pas de toit au dessus de sa tête, fort heureusement. A quelques mètres de lui, dans le dortoir des filles, il ne devait rester aucun survivant. Ce Turc , unpeu bohème, s'ila sauvé le plus précieux de ses biens, a tout de même laissé dans l'affaire, son vélo, sa tente, son équipement ; La peur passée, Said est reparti et philosophe, il ne pense déjà plus qu'à son avenir : "  j'ai perdu un an, je vais vendanger pour gagner un peu d'argent, sans doûte dans les Corbières… Et c'est ainsi qu'en Septembre 1960, il se présentait chez nous., perturbé par sa triste expérience, et ne voulant en aucun cas dormir dans un dortoir ;c'est donc dans la grande salle sur la scène qu'il fut hébergé . Très satisfait de ce premier contact, régulièrement, tous les ans , notre Ami Turc ne ratait pas son rendez-vous avec les vendanges et les amis lézignanais. Les premières années, c'est en bicyclette qu'il faisait le tour du monde, et même il nous avait informé que son dentiste était à AMSTERDAM. Attention, aux rages de dents ponctuelles ! ! ! Artiste dans l'âme, il avait toujours quelques nouveautés à présenter… travail de bijouterie, bagues confectionnées avec des cuillères à dessert , bracelets avec fourchettes etc.. lithographies et peintures ..

Tous les ans, nous attendions ce personnage avec impatience. Il organisait également, auprés de ses concitoyens , la vie à la M.J.C. exigeant propreté des locaux mis à disposition , notamment un bungalow, situé entre la M.J.C. et le gymnase sur un terrain vague, qui jouait le rôle de cuisine.. Tant que SAID était par là , le bungalow était entretenu, car à tour de rôle, les équipes de nettoyage faisaient le nécessaire ! ! ! ! Peu à peu, les années ont passé, et de la bicyclette, Said a opté pour la mobylette , moins fatigante… et une année, deux années , trois années ont passé sans revoir l'ombre de ce personnage auquel nous nous étions habitués.. Qu'est-il devenu ? ? ? Nous n'en saurons jamais rien …Nous n'oublierons jamais l'incontournable DAVID PERRY, qui se promenait en jupette blanche..ce n'était pas un kilt, mais bien une jupette ; son allure à petits pas était très attachante et son "Hello, Monique "trés caractéristique. Il y avait aussi VICTORIA, l'accompagnatrice des groupes Anaglsi de VACATION..très vieille angleterre, Victoria était trés appréciée de nous tous, et était devenue, aux cours des années une véritable amie. Et ce cher ; Pierre YASBEC, un beau brun ténébreux, aux charme oriental… qui cachait un mystère ! ! ! Il s'était distingué, en demeurant après les travaux, quelques temps à Lézignan, nous animant de fort sympathiques soirées, nous parlant de son pays.. et allant même à nous confectionner un repas typique libanais, à base d'ail pilé dans tous les plats..nous avons tous senti l'ail quelques jours…Et plus il était parti…et puis il était revenu, là prenant une chambre avec suite(comme le disait Mr YCHE) au Luxembourg, avec sa soi-disant secrétaire..Je lui avais même prêté ma voiture pour qu'il promène celle-ci…Pourquoi avoir choisi Lézignan comme lieu de vacances ! !Mystère ! ! ! Il s'était lié d'amitié avec la famille YCHE qui le considérait comme leur fils spirituel, ils le promenaient.. l'invitaient…Et un jour, de début Janvier, Pierre décida de quitter Lézignan, mais il attendait un virement qui n'arrivait pas. Mr YCHE proposa donc au petit " Pierre " de luis faire l'avance…de 5000 F.Mr YCHE considérant qu'avec cette somme, il serait un peu juste, prit l'initiative d'une rallonge, allant jusqu'à 6000 F, et depuis ce jour, mr Yche a perdu tout espoir de récupérer la somme. La famille essaya, à l'aide d'INTERPOOL , de retrouver le cher fils, mais en vain…Ce n'est quelques années plus tard, que ce fameux Pierre eut le culot de téléphoner à Mr Yché en lui disant qu'il avait appris, qu'il n'était pas content, demandant ses coordonnées bancaires, et promettant que cette fois-ci, il allait réparer son erreur… mais Mr YCHE attend encore ! ! ! ! . Rappelons nous aussi l'épisode du jeune des Grandes Comores, qui jouait avec la patience de Mr TEULON.. Ainsi, dés son arrivée, ce jeune faisait mettre au coffre son argent de poche, dont il retirait régulièrement quelques sous, ramenait la monnaie, et recommençait régulièrement ses retraits ! ! ! Excédé, un matin, Mr TEULON lui prenait un billet de train et le réexpédiait sur Marseille, sans je pense qu'il n'ait eu l'occasion de vendanger. Il faut dire que, dans les années 70, année du mouvement hippie, note camp a été fréquenté par une jeunesse, en quête d'un renouveau, et souvent bizarrement costumée, un peu évaporée, mais tout de même attachante . Il n'était pas toutefois de tout repos de s'occuper du Camp ; rappelons quelques faits ; un soir, un clochard s'était introduit dans un dortoir, et Mr Teulon s'efforçait de le déloger, mais il ne voulait pas entendre raison..A bout de patience, Mr Teulon l'empoigne , et à ce moment précis, un chien loup tapi sous le lit surgit et attrape le molet de ce cher Jo ; mais plus de peur que de mal, seulement le pantalon a été endommagé. .. Il faut dire que Mr TEULON s'est occupé du camp de sa création en 1950, à ma venue, en 66 ..J'ai donc pris le relai de la grande aventure ;.je dois dire que cette expérience m'a beaucoup apportée, dans ma vie professionnelle, et que je ne regrette rien, de toutes ces années où les 35 heures étaient bien loin, ! !
 

Après le clochard, nous avons accueilli un légionnaire fou ! ! qui avait été soit disant enfermé à Limoux, mais relaché, il avait fait irruption un soir, alors que j'étais de service de nuit ! me mettant à l'épreuve par la lecture de poèmes ! !mais l'envie de boisson étant plus forte, ce qui en quelque sorte me sauva,..je ne devais pas revoir ce personnage qui pouvait s'avérer très dangereux….
Dans ce même cas de figure , rappelons un petit incident, provoqué par un belge saoul, que ramenait un propriétaire ; en rentrant dans l'établissement, il me jeta une bouteille de vin que j'esquivais de justesse ;cette dernière se cassant ; en représailles, les jeunes ,vendangeurs, outrés, et voulant me venger se précipitèrent sur ce dernier le rouant de coups.
Tous les soirs, un événement venait troubler la vie du Camp. Combien d'interventions de pompiers , du commissariat de police , à l'époque dirigé par son commissaire en chef : Mr MARTINOT ! ! ! Un soir, un râle provenait d'un WC , très inquiétant ;comme à cette époque, la drogue circulait bien, il fallait agir, pour porter secours.. mais en vain… la porte résistait, donc appel aux forces de l'ordre .. la brigade  "  montée " Lézignanise arrivait, sur le champ, et la porte céda.. laissant un spectacle insolite.. il s'agissait d'une jeune anglaise , ayant forcé sur la boisson, et ronflant éperduement… Le policier, bien connu, Mr Cabanes, voulant sauvegarder la dignité de la jeune fille s'efforçait de lui monter le slip… un autre individu, partageant la chambrée de polonais ingurgita en deux temps trois mouvements, une bouteille de vodka et passa la nuit aux urgences de l'Hopital…
Dans les toutes premières années, j'étais très sensible au dénuement de certains individus, allant jusqu'à les nourrir pour certains, qui reconnaissants, me " piquait "l'argent dans le porte monnaie, heureusement avec le temps, je m'endurçis et appris à réagir… mais chassez le naturel, il revient au galop ; et me voilà à nouveau , victime de ma bonté… Encore un belge, bien sous tout rapport m'estorqua une petite somme, en oubliant de me rembourser ! ! !

Notons que les groupes polonais ont fait leur première apparition dés 1959. La presse de 1960 annonçait :
"  Au camp International de Vendanges, un vendangeur d'opérette : CHARLES TRENET. On ne peut plus exact Samedi, dans le courant de l'après midi , vers 16 H, le FOU CHANTANT a réservé une visite éclair à notre Maison des Jeunes. Il y accompagnait un jeune allemand en quête d'une place dans une colle de vendangeurs : à Mr G.BETEILLE animateur de l'époque, qui le recevait, Charles TRENET déclina très rapidement son identité ..le temps de s'engoufrer dans sa puissante voiture et notre vedette de la chanson avait disparu..Une chose importante le 25 de la Rue des Vosges compte un vendangeur d'opérette
réputé aux quatre coins du monde ;. Cette même année : un grand feu de camp au champ de tir de la Buissonne réunissait 300 jeunes … Il était devenu habituel, dés le Mois de Septembre, chaque année, d'assister au spectacle de jeunes étrangers barbus, latins aux yeux de feu et au teint cuivré… nordiques au regard bleu et aux cheveux filasses tous s'exprimant
dans des idiomes les plus divers.. véritable tour de babel que ce Camp cimentée par l'amitié et l'union du travail,,animée de la persévérance des batisseurs….. tous ces jeunes font partie du cycle annuel de la Maison des Jeunes… on les attend comme on attend des amis au rendez-vous des vendanges…
Notre Camp était aussi très apprécié des médias : presse… télé et dés 1963, Jeanne DUBREUIL, reporter à la télévision, a filmé tous ces jeunes, sur le terrain, dans les vignes, et les logements …cette année-là 109 étrangers pour 95 en 62…. En 65, l'effectif augmente pour atteindre 123 étrangers représentant 24 nationalités différentes ; nulle part en France, un établissement similaire ne se prévaut de faciliter la main d'œuvre étrangère. Cette même année, amélioration de l'accueil par l'installation d'un bungalow, situé sur le terrain vague, proche de la M.J.C. ce bungalow tenait la fonction de salle de restaurant et de cuisine.Cette année-là encore, l'ORTF était présente et diffusait sur les ondes l'activité de notre Camp..Encore en 69, J.F.ROBINET , avait choisi Lézignan et ses vendanges, pour animer son émission " Quatre saisons " tout ceci pour accentuer la notoriété de cette activité unique..
En 1966, apparaissaient les certificats d'hébergement qui permettaient aux étrangers d'obtenir les contrats de travail  de la Direction départementale du travail et de l'emploi.Le nombre était alors illimité.
En 1970, victime de notre succés, nous enregistrions 350 vendangeurs, et dans le lot, apparaissait pour la première fois, notre ami le Libanais, qui, par la suite , s'était avéré un petit escroc.. dommage …
 

L'année 72 se distingua par un incident, dans un petit village proche de Lézignan à BIZANET et nous pourrions l'intituler " Les VENDANGES DE LA CONTESTATION à BIZANET " ou bien " LES RAISINS DE LA CONTESTATION " Ce petit village peut s'enorgueillir d'avoir eu son FORT CHABROL… Je vais essayer de vous en relater les faits…
De mémoire de Bizanétois, on se souviendra longtemps des Vendanges 72… Sous un ciel qui affichait un bleu printanier, histoire de rappeler un certain mois de Mai, un petit village audois vit depuis deux jours à l'heure du happening contestataire…cela se passe à Bizanet où 5 jeunes vendangeurs..placés par nos soins chez Mr VIE tiennent la vedette, sous le regard amusé d'une population bon enfant..tragi-comédie à cinq personnages et un couffin dont les unités de lieu et d'action sont scrupuleusement respectées, le tout dans un décor naturel où vignerons,force de l'ordre et journalistes jouent les faire-valoir . Le spectacle a lieu dans la rue, mais aussi à la fenêtre du deux-pièces cuisine, mis à la disposition de ces jeunes révoltés d'un moment. Trois français, une française et une polonaise (qui a sans aucun doute suivi le mouvement) s'y sont barricadés depuis deux jours afin de protester contre un licenciement qu'ils jugent abusif, et qui intervient à la suite de leur refus de reprendre le travail, ne se sentant pas en mesure de vendanger, après avoir délaissé une partie de la nuit les bras de Morphée pour les vignes du Seigneur…. Ces jeunes revendiquent le droit au repos hebdomadaire et des conditions de travail un peu plus humanisées. Il faut préciser que le règlement du Camp de Vendanges informait les jeunes sur les horaires de travail(8 h par jour) sans repos hebdomadaire, à l'époque..étant donné que ce travail saisonnier, très court dans la durée, risquait d'être perturbé par des conditions atmosphériques , et donc plus vite la récolte était rentrée, mieux c'était… Soutenus moralement et alimentairement par une partie des jeuens vendangeurs des colles voisines, garçons et filles supportaient leur état de siège dans la joie et la bonne humeur…Cependant, cet air de fête estudiantine est loin de faire l'unanimité à Bizanet, et dans sa région où les deux cent familles de vignerons savent ce qu'il en coute de perdre une ou plusieurs jounées de vendanges, qui bien souvent se transforment en course contre la montre, le moindre retard pouvant devenir catastrophique si le temps s'en mêle…Sur la pancarte en carton qui pavoisait la fenêtre de la cuisine, on pouvait lire :
"  un jour de repos par semaine
un quart d'heure matin et soir pour récupérer
l'amélioration des conditions de travail "

Avant toutefois d'en arriver à une situation extrême , de nombreuses négociations avait eu lieu.. et Mr VIE nous avait contacté pour intervenir. Donc, je me rendais à Bizanet, était passé au préalable chez le propriétaire , qui ne m'avait pas encouragé, car il avait entendu , soi-disant les jeunes dire qu'ils préparaient les armes ! ! ! ! mais loin de toutes ces considérations, je franchissais allègrement la porte du ramonétage, pour discuter , car l'objectif était de leur faire entendre raison pour leur départ du logement en précisant bien que je pourrai les ramener et trouver à la limite un autre propriétaire avec lequle ils pourraient mieux s'entendre..mais mes bonnes paroles n'ont eu aucun effet sur eux, trés décidés à maintenir le siège … et ce sont les forces de l'ordre qui à 18 h les ont délogés, et alors que venait le soir… tout en entonnant l'Internationale, ils quittèrent à pied le village dans lequel ils en avaient, on ne peut le nier, apporté une certaine perturbation.

Cette année 72 était marquée également par une catastrophe qui endeuillait le camp ; en effet, placés chez Mr LAVAL, un couple de polonais et un marocain étaient victimes d'un accident de la route ;la camionnette de Mr LAVAL devait percuter un autre véhicule, les vendangeurs placés à l'arrière étaient projetés, et le polonais devait mourir en fin de journée ; son épouse blessée, était transportée à MONTPELLIER dans un état grave, et devait y rester toute une année.Ayant des amis sur cette ville, j'organisais une chaine d'amitié pour la soutenir et l'aider dans cette rude épreuve. Tous les week-ends, je prenais la route pour lui amener réconfort. Mais, elle n'est jamais retournée en Pologne, car avec l'argent de l'assurance, elle a poursuivi ses études à Montpellier et par la suite s'est remariée où elle est Architecte à FOIX. J'ai eu l'occasion de la revoir.
 

L'année d'après, soit en 73, une deuxième catastrophe s'abattait sur le Camp.Cette fois : deux polonais étaient victimes d'un terrible accident, un peu différent du premier, mais tout aussi terrible. Les étudiants polonais, cette année là très nombreux avaient organisé une fête à la M.J.C. en regroupant tous ceux qui se trouvaient dans les environs de Lézignan. Etant donné qu'ils n'avaient pas de moyens de locomotion, je me proposais avec des amies, de faire le ramassage.. et c'est ainsi, que nous allions récupérer le groupe à MONTBRUN, chez Mr Mariou en plusieurs voyages, car le groupe était nombreux .Donc la fête battait son plein, et vers minuit, il fallait organiser le retour. Non sans mal, car tous les jeunes étaient éparpillés dans la nature. Au dernier voyage, j'avais conscience qu'il me manquait deux jeuner, mais leurs camarades m'ont informé qu'ils restaient sur Lézignan.. donc je ne me préoccupais pas outre mesure..je ramenais les derniers et réintégré la maison .. une heure est passée, lorsque je fus appelée par Mr MARTINOT, commissaire de police, pour une bien triste besogne ! ! deux corps accidentés avaient été retrouvée sur la déviation, happés par un camion, étant seule à connaître toute cette jeunesse, je fus acheminée à la morgue de l'Hopital, où je retrouvais, allongés et raides les deux jeunes qui faisaient défaut.. vous dire l'émotion que j'éprouvais, je poussais un cri et tombais prise d'un malaise.. pour eux tout était fini, il s'agissait de BOGDAN BERNAT 24 ans, marié en Pologne , et de LIFDA BECZYNSKA, 20 ans , tous deux de WROCLAW…une cérémonie avait eu lieu au cimetière où tous les compatriotes étaient venus leur rendre un dernier hommage.. le jour suivant, les pompes funèbres de WROCLAW, accompagnés des familles des victimes rapatriaient les corps dans leur pays d'origine… C'est un souvenir inoubliable de chagrin et de désespoir que nous avons vécu. La même année, en Novembre, je me rendais en pologne où je rencontrais les familles ,et surtout la veuve du jeune polonais pour laquelle il était resté le mystère à savoir quelle relation entretenait son mari avec la jeune fille accidentée..aucune ; ; ; j'ai essayé d'être trés persuasive ; ; en relatant exactement ce qui s'était passé réellement… La jeune fille avait invitée au Café des corbières par un jeune Lézignanais, et le jeune polonais de son côté avait eu une autre invitation.. donc ils n'étaient pas ensemble, mais lorsqu'ils ont voulu rejoindre le village de Montbrun, le groupe étant parti, c'est tous els deux qu'ils se sont acheminés vers la déviation, lieu du drame, où ils ont été accroché par un camion ,en voulant traverser.. voilà les faits réels que j'ai relaté, mais ont-ils été reconnus ? ? ?
 

Heureusement, de tels faits ne se produisent que rarement, mais n deux années consécutives , nous avons affiché trois morts ! ! !
Décidément, ces années là, les dieux n'étaient pas avec nous….Par le désengagement de propriétaires, nous avons frôlé la catastrophe, par un surplus de vendangeurs, et tenez-vous un bus entier d'Irlandais.. le premier jour, étant donné que le centre était en complète réfecion avec l'agrandissement des locaux, nous avons expédié mle groupe vers Narbonne, où le collègue FAURE les a accueillis, hébergés et nourris.Nous avions envisagé de les rapatrier, notre trésorier ayant signé un chèque, tout était prêt..mais les Dieux cette fois-ci nous ont aidé, en programmant un bel orage et une pluie qui affola les propriétaires, se ruant sur notre main d'oeuvre, ainsi dés la fin de la journée, nous avions casé jusqu'au dernier Irlandais ! ! !plus de peur que de mal. A partir de cette expérience, nous sommes devenus très stricts sur l'engagement de propriétaires, et l'effectif commandé à l'inscription était livré .
1975 a vu l'arrivée du premier groupe anglais, envoyé par l 'organisation d'OXFORD " VACATION WORK INTERNATIONAL CLUB " association qui avait pour unique mission de placer des jeunes étudiants en situation de travaux saisonniers.Le groupe était
par autobus, et guidé par un responsable de l'Association,qui séjournait à Lézignan pour controler le placement de tous ces jeunes…C'est Victoria qui, par la suite, prit le relais et resta de longues années….
L'accueil de ces jeunes se fit dans le préfabriqués, sur le terrain proche du Moulin…Les installations étaient précaires, plutôt sales, mais cela nous rendait service…3 bus représentant 150 jeunes étaient réceptionnés…Les propriétaires attendaient sagement l'arrivée de l'autobus souvent avec quelques heures de retard…et je me souviens une anecdote amusante : un vieux propriétaire des Corbières profondes s'était vu attribuer une pakistanaise assez bronzée, et croyant bien faire ce vieux Monsieur de dire :  "  Tu n'es pas comme les autres, mais tu auras toute ma considération " un peu gênant, car la jeune fille parlait très bien français, et était très cultivée…Certains propriétaires peu discrets observaient les jeunes, comme un maquignon choisit une bête à la foire ! ! ! !
 

Il se peut que par l'originalité de son organisation, la M.J.C. soit un cas unique au monde.En fait il n'existe pas en France d'autres associations possédant un camp pareillement animé et orienté..N'était-il pas surprenant de voir , dans les vignes des Corbières, du Minervois, de l'Agly, et d'ailleurs, des juristes manier les sécateurs ou endosser la hotte aux côtés de scientifiques, de littéraires, de mineurs, comme ce rugbyman du yorkshire, d'ethnologues etc … Il y avait même un couple de pélerins, adeptes de CIVA, le Dieu à la fois destructeur, guérisseur et fécondateur, qui hantent le vignoble vêtus de longues robes qui balaient les mottes et coiffés de guirlandes de fleurs…ces petits japonais, si petits que le propriétaire n'arrivait pas à distinguer, dans les souches souvent plus hautes qu'eux … et tous s'interpellant en anglais, en Allemand,, en polonais, en néerlandais,en idiome boer, en espagnol et en Arabe.Les colles avaient un petit air d'ONU qui aurait abandonné la politique pour cueillir du raisin.Le langage sémaphore est universel. On arrivait à se comprendre par gestes et sourires..La tache est certes dure, les sécateurs meurtrissent les mains, l'échine se trouve courbattue par les incessantes flexions devant le carignan, le cinsault dit " le teinturier "le grenacheou l'aramon..les épaules deviennent douloureusesà force d'avoir à supporter le poids de la hotte .Mais le soir venu à l'heure de la popote, la fatigue s'oublie, la jeunesse reprend ses droits : c'est alors , au foyer de la rue Marat, les mille et une gentillesses du globe qui se brassent et s'amalgament dans une rumeur folklorique …Le polyglotte exercé pouvait y attraper quelque bribes d'allemand, d'Anglais, de marocain, de hollandais, de polonais, d'espagnol voire même de catalan. Bien sur, on vendange dans toutes les langues, dans nos Corbières.Deux jeunes africains et jeune voltaique de 26 ans, étudiants à l'académie d'agriculture de Gorki(urss) ont mis quatre jours de train pour regagner Lézignan.